Trump et nous. La résurgence du nationalisme économique, les négociations commerciales et l’agenda « progressiste » : enjeux et stratégies

21-22 mars 2019

Publié le 4 mars 2019

Mise en contexte

Depuis 2017, le gouvernement du Canada se fait le promoteur d’un agenda « progressiste » en matière de commerce international. Le gouvernement Trudeau prône un commerce mondial (et régional) plus équitable qui serait au service de la classe moyenne et des plus vulnérables. Afin de mettre en œuvre ce projet, le Canada tente d’imposer de nouvelles clauses « sociales » et « environnementales » aux accords de libre-échange. Le gouvernement du Canada souhaite réformer les traités commerciaux sur plusieurs aspects, que ce soit sur les droits des travailleurs, l’environnement et les changements climatiques, l’égalité entre les hommes et les femmes ou les droits des Premières nations. Cet agenda progressiste comptait parmi les thèmes du Sommet du G7 dont le Canada fût l’hôte en 2018. Or, cet agenda tranche sensiblement avec le populisme ambiant et le retour du nationalisme économique puis du protectionnisme aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Il tranche également avec certaines des pratiques commerciales du Canada lui-même.

En effet, quelques jours après son entrée en fonctions, le Président Trump a signé un décret présidentiel mettant fin à la participation des États-Unis au Partenariat transpacifique (PTP). Ce traité, que l’on considérait (non sans motivations « nationalistes », d’ailleurs) devoir faire contrepoids à la Chine, avait été signé en 2015 par douze pays de l’Asie et du Pacifique représentant 40 % de l’économie mondiale, dont le Canada et les États-Unis. À la suite du retrait de ces derniers, le Canada a participé à des discussions avec les dix autres partenaires du traité initial en vue de la conclusion d’un nouveau « Partenariat transpacifique global et progressiste » comprenant de nouvelles exceptions en matière de culture, de propriété intellectuelle, et d’investissements étrangers. Or, la volonté du Canada d’en venir à un tel accord relève aussi en partie d’un repositionnement commercial stratégique vers l’Asie en réaction à la montée du protectionnisme américain, repositionnement qui n’est pas étranger à ses positions contradictoires sur l’environnement, les droits des Premières nations, et le projet de pipeline Trans-Mountain.

Au cours des premiers mois de sa présidence, Donald Trump a également imposé à ses partenaires canadien et mexicain une renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), qui constituait selon lui le « pire accord commercial de tous les temps ». Rappelons cependant que ce n’est pas la première fois que le Canada et le monde font face aux velléités protectionnistes des États-Unis. Au début des années 1980, l’administration Reagan avait considéré les pratiques commerciales du Japon, de l’Europe et des nouveaux pays industrialisés d’Asie comme étant à l’origine des difficultés économiques des États-Unis. Pensons également au procès mené contre le Mexique, la Chine et l’ALÉNA lors des élections présidentielles qui devaient mener Bill Clinton (1992) et Barack Obama (2007) à la Maison-Blanche. Les propos de l’adversaire de Clinton, Ross Perot, évoquant ce « gigantesque bruit de succion » (giant sucking sound) des relocalisations au Mexique, ou ceux d’Obama lui-même qui parlait de l’ALÉNA comme d’un accord « injuste » pour les travailleurs et n’ayant jamais bénéficié aux États-Unis résonnaient d’ailleurs encore lors de la campagne de 2016. L’agenda « progressiste » canadien rappelle par ailleurs l’exigence, de la part des États-Unis sous Bill Clinton, de rouvrir l’ALÉNA pour y ajouter deux accords parallèles sur l’environnement et le travail.

Le 23 juin 2016, de l’autre côté de l’Atlantique, une faible majorité de Britanniques a voté pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Dans la foulée de ce vote le gouvernement britannique actuel, dirigé par Theresa May, défend une posture passablement radicale en prônant un retrait complet du pays tant de l’Union douanière que du Marché unique européens, à la faveur de nouvelles négociations commerciales « bilatérales » avec les États-Unis et les pays du Commonwealth, notamment. À la lumière de ces récents événements, l’avenir du libre-échange ne semble pas reluisant. Malgré les discours plus positifs du Premier ministre canadien Justin Trudeau, de la Chancelière allemande Angela Merkel ou encore du Président français Emmanuel Macron, le pessimisme quant au libre-échange est partout palpable.

Il est tout de même paradoxal de constater que l’un des plus grands défenseurs du libre-échange dans le monde dirige une dictature communiste dont une part non-négligeable de l’économie nationale relève de sociétés d’État et d’investissements publics massifs. Le président chinois Xi Jinping, lors du discours d’ouverture du Forum économique mondial de Davos en 2017, s’est ainsi fait le défenseur de la mondialisation et de la libéralisation des échanges. Selon lui, « la mondialisation économique a propulsé la croissance mondiale, facilité la circulation des biens et du capital, permis l’avancement de la science, de la technologie et de la civilisation et facilité les interactions entre les peuples ». D’autres leaders mondiaux, comme le Premier ministre du Japon Shinzo Abe, ont préféré faire profil bas et privilégier les contacts bilatéraux directs avec le nouveau Président américain pour lui rappeler les liens économiques et sécuritaires qui unissent leurs pays. Dans tous les cas toutefois, les intérêts « nationaux » semblent désormais primer sur les principes libéraux.

Dans ce contexte, l’agenda progressiste du Canada tranche sensiblement avec le virage de plus en plus nationaliste et protectionniste qui caractérise l’économie politique internationale depuis 2008. L’objectif de cette conférence est de faire le point sur ce que représente dans les faits l’agenda commercial « progressiste » du gouvernement du Canada, puis sur les manières dont la résurgence du nationalisme économique – notamment aux États-Unis, en Europe et en Asie – force le Canada et les autres pays industrialisés à repenser leurs stratégies commerciales. Ces questions y seront traitées sous différents angles – théoriques, historiques, commerciaux, fiscaux, juridiques, politiques, diplomatiques, sécuritaires, environnementaux, syndicaux et sociaux – par les plus grands experts québécois, canadiens, américains, mexicains, européens et asiatiques de ces domaines. Cette conférence se veut ainsi l’un des premiers points de rencontre des chercheurs travaillant sur le commerce international et le nationalisme économique, dans un contexte où il est désormais impossible d’évoquer l’un sans évoquer l’autre.

 

Context

Since 2017, the Government of Canada is promoting a “progressive” agenda in international trade. Canada is indeed officially encouraging a more equitable, “middle-to-lower-class” centered approach to world trade and regional trade. To implement such an approach, Canada is trying to include new social and environmental dispositions to it free-trade agreements. The Canadian government hopes to reform commercial treaties on a number of aspects, such as working conditions, environmental protection, gender equality, and the rights of First Nations. This “progressive” trade agenda was, for instance, among the themes of the Canadian G7 Summit held in 2018. Yet, this agenda clashes with the rise of populism and the resurgence of economic nationalism in the US and around the globe. Besides, it also clashes with some of the trade practices of Canada itself.

            Shortly after President Donald Trump entered office for example, a presidential decree was signed which ended the United States’ participation in the Trans-Pacific Partnership (TPP). This treaty (not devoid of nationalist motivations in the first place) was notably devised as a counterweight against China and was signed in 2015 by twelve countries in Asia and the Pacific, including Canada and the US, which together represented 40% of the world’s GDP. Following the withdrawal of the US, Canada partook in new discussions with the ten other partners of the original agreement to conclude a new “Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership (CPTPP) including additional exceptions on culture, intellectual property, and foreign investment. On the other hand, Canada’s wish to conclude such a multilateral deal also reflected its own, strategic commercial repositioning toward Asia in reaction to the rise of American protectionism, a repositioning which can help explain some of its contradictory positions on the environment, the rights of First Nations, and the Trans-Mountain pipeline project.

            During the first months of its presidency moreover, Trump imposed a renegotiation of the North American Free Trade Agreement (NAFTA), presented as the “worst trade deal of all time,” on its Canadian and Mexican partners. It should be recalled, however, that this is not the first time that Canada and the world have to face the US’ protectionist inclinations. In the early to mid-1980s, the Reagan administration considered the trade practices of Japan, Europe and the “Asian Tigers” as detrimental to the US economy. Harsh criticisms were also addressed to Mexico, China and NAFTA during the presidential elections which saw Bill Clinton (1992) and Barack Obama (2007) elected to the White House. The words of Clinton’s adversary, Ross Perot, evoking the “giant sucking sound” of jobs leaving for Mexico, or the words of Obama himself describing NAFTA as “unjust” for workers and as having never benefited the US, were still resonating during the last presidential campaign. Canada’s “progressive” agenda, besides, is reminiscent of the Clinton administration’s insisting on reopening NAFTA to include parallel agreements on working standards and the environment.

            On the other side of the Atlantic, on June 23rd, 2016, a slight majority of British citizens voted in favor of the withdrawal of the United Kingdom from the European Union. Following this referendum, the British government currently headed by Theresa May adopted an aggressive posture by promoting the UK’s complete withdrawal from both the EU’s Customs Union and Single Market, and by prioritizing new “bilateral” negotiations with the US and Commonwealth countries, notably. Despite the positive discourses of Canadian Prime Minister Trudeau, German Chancellor Merkel, or French President Macron, pessimism with regards to free trade is palpable everywhere.

Paradoxically we are witnessing a communist dictatorship, of which a large part of the economy is dependent on state corporations and public investment, become one of the most important proponents of free trade. Chinese President Xi Jinping, indeed, presented himself as a fervent advocate of globalization and trade liberalization in its opening speech at the 2017 World Economic Forum in Davos. According to him, “globalization has powered global growth and facilitated movement of goods and capital, advances in science, technology and civilization, and interactions among peoples.” Other world leaders, such as Japan’s Prime Minister Shinzo Abe, opted for a low-profile approach and prioritized direct bilateral contacts with the new American President to remind him of the economic and security interest linking their countries. In any case however, “national” interests now seem to override liberal principles.

            In this context, Canada’s “progressive” agenda seems to clash with the increasingly nationalist and protectionist turn that characterizes international political economy since 2008. The objective of this conference is to take stock of the true meaning of such an agenda, and of the ways in which the resurgence of economic nationalism – in the US, Europe and Asia – is forcing Canada and other industrialized countries to rethink their commercial strategies. These issues will be addressed from different angles – theoretical, historical, commercial, fiscal, legal, political, diplomatic, military, environmental, and social – by foremost experts from Quebec, Canada, the US, Mexico, Europe, and Asia. This conference is thus meant to be one of the first meeting points for academics working on international trade and economic nationalism, in a context where it has become impossible to invoke one without invoking the other.           

21 mars 2019 / March 21st, 2019

8:30-9:00

Ouverture / Opening Remarks

Dr. Guy Laforest, Directeur général, École nationale d’administration publique

Dr. Marianne Kneuer, President of the IPSA and Director of the Institute of Social Sciences, University of Hildesheim

 

9:00-10:30 – Président de panel – Panel Chair : Dr. Hubert Rioux (ÉNAP)

Perspectives institutionnelles et théoriques / Institutional & Theoretical Perspectives

Prof. Stéphane Paquin (ÉNAP):  La géopolitique du nouveau désordre commercial mondial

Prof. Eric Helleiner (University of Waterloo, Canada): Varieties of Protectionist Thought

Prof. Judith Goldstein (Stanford University, USA): The Institutional Roots of the Anti-Trade Backlash

Pause / Break: 10:30-10:45

10:45-12:15 – Président de panel – Panel Chair : Prof. Stéphane Roussel (CIRRICQ, ÉNAP)

Perspectives nord-américaines (AEUMC) / North American Perspectives (USMCA) 

Prof. Richard Ouellet (Université Laval, Québec) : Une constante dans la politique commerciale canadienne : La règle de droit comme frein au nationalisme économique

Prof. Geneviève Dufour (Université de Sherbrooke, Québec) : L’acier et l’aluminium au centre d’une guerre commerciale nord-américaine et mondiale

Prof. Jean-Baptiste Velut (Université Sorbonne Nouvelle, France) : Vieux débats, nouveaux défis : la gouvernance démocratique de la politique commerciale américaine en question

12:15-13:45 Lunch

13:45-15:15 – Président de panel – Panel Chair: Dr. Marianne Kneuer (IPSA, University of Hildesheim)

Perspectives internationales / International Perspectives

Prof. Thanh Hai Do (Diplomatic Academy of Vietnam): Vietnam: navigating the rise of economic protectionism

Dr. Éric Boulanger (Université du Québec à Montréal): L’ouverture commerciale du Japon et les accords de partenariat en Asie

Prof. Elisa Davalos (CISAN/UNAM, Mexico): USMCA and the automotive industry in Mexico

 

Pause / Break: 15:15-15:30

15:30-17:00 – Président de panel – Panel Chair: Prof. Geneviève Dufour (Université de Sherbrooke) 

Perspectives sur le commerce « progressiste » I / Perspectives on « progressive » trade I

Dr. David Pavot (Université de Sherbrooke, Québec) : Théorie et réalité de la politique internationale féministe du Canada

Prof. Véronique Guèvremont (Université Laval, Québec) : La compétence culturelle du Québec sur la scène internationale

Prof. Louise Dalingwater (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3): Furthering Trade and Investment in Health Services in Post-Brexit Britain

17:30

Souper-réception chez Monsieur B / Reception Dinner at Monsieur B

(371 rue Villeneuve, H2J 2L5)

22 mars 2019 / March 22nd, 2019

9:00-10:30 – Président de panel – Panel Chair: Prof. Richard Ouellet (Université Laval)

Perspectives sur le commerce « progressiste » II / Perspectives on « progressive » trade II

Mme. Nathalie Daoust (Commission de coopération environnementale) : L’évolution de la Commission de coopération environnementale de l’ALÉNA : de mal nécessaire à incontournable

Prof. Kristine Plouffe-Malette (UQÀM) : Travail forcé et moralité publique : entre le droit national et international.

Prof. Michèle Rioux (UQÀM) : Penser le commerce progressiste à l’ère du commerce électronique

Pause / Break: 10:30-10:45

10:45-12:15 – Président de panel – Panel Chair: Prof. Stéphane Paquin (ÉNAP)  

Gouvernance multi-niveaux et commerce / Multi-level governance and trade

Prof. Christopher Kukucha (University of Lethbridge): Barriers to Canada’s Progressive Trade Agenda

Prof. Patricia Goff & Prof. Jörg Broschek (Wilfrid Laurier University): Sub-federal Resistance to Trade Agreements: From Negative to Positive Integration?

Dr. David Eiser (University of Strathclyde, Scotland): The Trade Policies of Brexit Britain and Their Potential Impacts on Devolved Regions

Pause / Break: 12:15-13:45

13:45-15:15 – Président de panel – Panel Chair: Prof. Michèle Rioux (UQÀM)

Perspectives québécoises et provinciales / Quebec and Provincial Perspectives

Mme. Catherine Zekri (École nationale d’administration publique, Québec) : Les lois et politiques linguistiques sont-elles une forme de nationalisme économique ?

Prof. Luc Bernier (Titulaire, Chaire Jarislowski, Université d’Ottawa) et Dr. Mahdi Khelfaoui (Chercheur postdoctoral, Chaire Jarislowski, Université d’Ottawa): Les sociétés d’État québécoises entre le nationalisme économique et l’économie internationale

Dr. Hubert Rioux (École National d’administration publique): Les agences publiques de promotion du commerce face à la montée du nationalisme économique: le cas d’Investissement Québec

Pause / Break: 15:15-15:30

15:30-16:30 – Président de panel – Panel Chair: Prof. Stéphane Paquin (ÉNAP)

Points de vue des négociateurs / Negotiators’ perspectives

  1. Jean-François Raymond, Directeur général, Politique commerciale, Ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation du Québec.
  2. Hugo Cameron, Executive Director, International Trade Engagement Branch, Trade & Investment Division, Ontario Ministry of Economic Development, Job Creation and Trade,

 

 

16:30-16:45

Discours de clôture / Closing remarks:  À determiner / To be determined

16:45-19:00 Cocktail, Verrière de l’ÉNAP / ENAP’s Canopy

Stéphane Paquin

Professeur, École nationale d'administration publique
Directeur exécutif du GÉRIQ

Hubert Rioux

Chercheur postdoctoral Banting Fellow, École nationale d’administration publique

Nouvelles récentes

Lancement du 6ème numéro du Climatoscope

Le Climatoscope vous invite à venir découvrir le numéro 06 du Climatoscope au Musée de la Nature et des Sciences de Sherbrooke dans un 5@7 festif et convivial le 10 octobre

Conférence annuelle du GÉRIQ: Les nouveaux risques géopolitiques et économiques

Un événement de l'École nationale d’administration publique, Montréal, 24 au 25 octobre 2024

École d’été en droit international appliqué

Un événement de l'École nationale d’administration publique, Montréal, 25 au 28 juin 2024